Petit retour à la collection Aire libre, chez Dupuis.
Pour aller vite, j'ai été très déçu par l'album de Clarke. C'est pourtant l'épreuve du one-shot que j'attends de tous les auteurs humoristiques : Reno, Boulet, Maester... Raté pour
Neel, réussi parfois pour Larcenet...
D'abord parce que Clarke ne s'est pas trop foulé. Son style réaliste sombre de temps en temps dans du Mélusine, il n'y a pas de décor, les couleurs sont moches...
Tout ce que fait Lapière n'est pas à jeter (hum !), il me reste en mémoire La saison des anguilles, mais ici, c'est nullissime !!! Il essaye de nous faire croire que Luna,
aveugle, s'est trompé d'un étage, pour rentrer chez elle. Attention, on n'est pas dans une twin tower, juste dans un petit immeuble... Ca me semble impossible (évidemment, elle ne voit pas le
bouton qui s'allume, mais elle se rend compte du temps passé dans l'ascenseur, des odeurs... Non, c'est impossible. Aveugle mais pas idiote). Et pourquoi sa soeur essaye de la tuer, alors qu'elle
a réussi à la faire accuser du meurtre de leur mère ? Pour avoir 100% de l'héritage ? Ca relancerait une enquête ! Et tuer sa mère pour de l'argent, de sang froid... Et jouer cette comédie avec
Luna depuis tant de temps... Ce n'est absolument pas crédible. C'est nul. Et ça m'a bien énervé ! C'est des arbres sacrifiés pour rien. Beaucoup de ce que fait Lapière est à jeter, et
Clarke, après Gilson, fait preuve de peu de flair dans le choix de ses scénaristes (bientôt une collaboration avec Cauvin, ou Morvan ?).
Clarke et Lapière - Luna Almaden
2007 Dupuis, collection Aire libre
5/20
Mais le diptyque de Tronchet est génial. Bien meilleur que ses 2 précédents aire libre (Ma vie en l'air en 2005 et Là-bas en 2003) et un cran au dessus d'Houppeland (2 tomes entre 97 et 98). On est dans les pas du Quartier évanoui.
En le lisant, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement avec Le passage de Vénus, merveille de Dethorey et Autheman, également chez aire libre.
Jean, fils d'empailleur, passionné de dessin, se met au service d'un des clients de son père. Dunan apportait des animaux morts, et repartait avec des bêtes momifiées, mais qui tombaient un peu
en lambeaux, parce que la technique n'était pas trop au point. Il quitte Versailles pour l'Afrique, pour ramener au roi des animaux de toutes sortes.
Dunan, amateur de femme et de luxe, part sans aucun doute dans cette aventure. Le jeune homme, part découvrir le monde, naitre à la vie tout simplement.
On est ses yeux, on est ses narines.
Les dialogues sont savoureux, tout est bien écrit, c'est un régal.
Arrivé en Afrique, Dunan met dans le même lit, la mère et la fille, et s'attire les foudres de l'ambassadeur. Dunan entend le courou de ce puissant homme, sans se douter un instant qu'il est pour
lui. La scène qui clos le premier volume est savoureuse.
Le tome 2 nous plonge vraiment en Afrique.
L'humour est injecté à petites doses discrètes, de façon subtile, même les gros gags.
Dunan a amené son monde avec lui. Il est drôle de le voir essayer d'appliquer l'étiquette de Versailles en pleine brousse. Il est moins de drôle de voir le curé convertir les nègres.
Jean n'a rien amené. Il est une éponge sèche, qui se gorge de la vie, de la nature, et d'amour.
La fin oscille entre tragique et comique. Jean reste sur le regret éternel d'avoir quitté sa belle.
Mais Dunan, sur son lit de mort, découvre l'amitié qu'il a laissé passer. Pour Moïse, son guide moqueur, qui s'est sacrifié pour lui. Dunan quitte ses froques de comédien, et devient enfin
un homme.
Alors bien sûr, le dessin n'est pas génial, la couleur non plus. Le gauffrier en 3 strips de 2 cases très monotone, n'est pas propice à une mise en scène exceptionnelle. Mais l'histoire est
pleine, et on y plonge sans aucune difficulté. C'est beau, tout simplement. Riche d'émotions, de sentiments, de voyages.
Tronchet est quand même un type génial.
Tronchet et Richaud - Le peuple des endormis
#1 et 2 - 2006 et 2007 Dupuis, collection Aire libre
14/20